L’histoire politique du Sénégal montre au moins une chose : le primat historique du système dans la conduite des affaires publiques. Ce système a été porté sur les fonts baptismaux avant les indépendances suite à la défaite des chefs traditionnels ceddo et la reprise du combat politique de libération nationale par les marabouts. Ces derniers ont toujours été des maillons essentiels à la pérennité du système politique qui a su les intégrer pour avoir le contrôle des masses. La classe politique sénégalaise est un cas d’école en matière de sociologie politique tant elle est complexe et difficile à saisir.
En effet les acteurs du système sont issus pour la plupart de l’UPS ancêtres du PS. Nous étions à l’époque du régime du parti unique de Senghor, mis à part les partis de la gauche marxiste, léniniste et trotkyste, tous les leaders politiques sénégalais sont issus des flancs du système UPS-PS. Maitre Wade n’a-t-il pas créé un parti de contribution tant il a été difficile d’opérer une stratégie de pénétration du système depuis l’extérieur. Le système a broyé Mamadou DIA, Cheikh Anta DIOP, Abdoulaye LY, Valdiodio NDIAYE et tant d’autres.
A chaque fois que sa sécurité a été menacée, le système a su faire bloc pour se défendre et inventer des stratégies pour devenir un phénomène suis generis comme le disent les sociologues. Depuis Senghor, en passant par Abdou DIOUF, Abdoulaye WADE et Macky SALL le jeu politique s’est toujours articulé autour d’intrigues, de stratégies d’alliance parfois contre-nature et des schémas dignes des grands classiques américains. La professionnalisation de la politique aidant, nous assistons à des situations surréalistes d’entrisme au gouvernement et des alliances insoupçonnées. Loin des caméras, des lumières, les hommes politiques se retrouvent le soir pour négocier et « dealer » à l’Insu des électeurs et des responsables de leurs partis.
Aujourd’hui le système se sent acculé par la percée de Ousmane SONKO aux dernières élections présidentielles et l’émergence de nouveaux jeunes leaders de l’antisystème. Ces derniers sont très bien formés académiquement et idéologiquement, mais surtout ils peuvent compter sur la transformation digitale de notre époque pour atteindre la jeunesse et la diaspora. La lutte politique a quitté les couloirs de la mort de l’université Cheikh Anta DIOP pour se réfugier sur internet et sur des plateformes politiques et citoyennes comme FRAPP, NITTU DEUG etc…Dans ce contexte socio-politique inédit, la nouvelle classe politique apôtre de l’alternance générationnelle doit relever le défi de la conscientisation des masses tout en assurant les élites bourgeoises de la classe maraboutique, de la deep-state sur le maintien stratégiques de leurs intérêts de classe. Car il faut savoir se mettre le système dans sa poche pour mieux le neutraliser. La nouvelle génération d’hommes politiques ne doit pas commettre l’erreur de penser qu’un seul messie va prendre le pouvoir des mains du système qui, même moribond, détient les astuces pour renaître de ses cendres sous forme de survivances archaïques.
La meilleure stratégie c’est l’alliance entre les différents leaders de ce que je surnomme la génération de rupture dans une logique transpartisane et sincère.
Le peuple dans tout ça ?
A l’évidence le peuple sénégalais dans sa majorité est très éloigné des préoccupations politiques parce que maintenu dans une certaine ignorance par l’élite politique qui a géré le pays depuis 1960. Ce n’est pas un hasard si le taux d’alphabétisation est toujours resté bas au Sénégal. C’est à la jeunesse et aux cadres de prendre leurs destins en main, de s’engager en politique car lorsque les meilleurs sénégalais en compétences et en valeurs désertent le champ politique; ce sont les médiocres qui dirigent et cela ne va jamais changer. Avec de l’engagement et de la détermination le vrai changement sera une réalité dans notre pays le Sénégal.
Dr Alboury NDIAYE